Ali Eyal
From the Creases of my Eyelid
CORPUS D’ŒUVRES
Aux beaux-arts de Bagdad, puis au programme d’Ashkal Alwan à Beyrouth où débute son exil, Ali Eyal a développé une pratique du dessin par accumulation de traits et superposition de figures et d’écrits. Ces images intriquées comme des broderies se propagent d’une simple enveloppe postale à un mur, d’une table à une toile ou à un décor de performance. Elles véhiculent une fiction familiale où les rôles se partagent entre espaces, objets, personnes et faits historiques. Eyal la conçoit comme une scène de crime dont il crypte les indices.
Il ouvre et referme des chapitres sans chronologie ni dénouement. Le contexte irakien, les violences coloniales et intérieures, avec les divisions qui en résultent, cohabitent avec des traces de la formation de son regard – il a vu son premier miroir longtemps après les fresques aux murs de sa maison, et juste avant de découvrir la photographie.
L’espace le plus sombre de sa propre tête est une camera obscura où il développe la « zone fertile entre l’éveil et le sommeil », comme l’écrit le commissaire de l’exposition tenue au centre Saw*, d’où proviennent certains éléments exposés ici. Cet imaginaire féconde un réel invivable et l’enregistre à la fois, inscrivant des gestes de résistance dans des formes poétiques.
* Ali Eyal, Au crépuscule de la tête, du 1er décembre 2022 au 4 mars 2023, Centre SAW, Ottawa
JULIE PICARD
CARTES-SOLEIL
2023
Série de 12 cartes météorologiques imprimées sur papier de riz 100 g Hahnemühle sans acide, et épingles émaillées à entomologie
Ces cartes météorologiques, publiées par le journal local Le Soleil en 2004, indiquent traditionnellement la température du jour : de l’infrarouge pour les grandes chaleurs à l’ultraviolet pour les grands froids. Julie Picard a sélectionné puis découpé 12 zones, comprenant chaque fois la ville de Québec. Pour la biennale, elle les a numérisées, agrandies et imprimées, passant d’un format miniature à une grande échelle. L’artiste fait ainsi apparaître d’autres frontières, en constante transformation selon les saisons et l’évolution du climat. Ces territoires dépassent les limites politiques et économiques et peuvent surprendre, comme lorsque Québec cohabite avec Los Angeles ou Miami.
Par ailleurs, l’impression papier des journaux, longtemps le média de la culture de masse, est aujourd’hui menacée : en 2023 Le Soleil est passé au numérique. La fragilité du papier, matériau principal de l’artiste, s’aligne aujourd’hui sur celle de l’environnement. L’artiste déplie ainsi devant nous quelques enjeux du changement climatique.
ALI EYAL
Né à Bagdad, Irak. vit à Los Angeles, États-Unis
Ali Eyal développe une technique du dessin par superposition d’écrits et de figures d’une fiction familiale – autour d’une ferme imaginaire, de plantes mystérieuses, de l’intérieur de la tête de l’artiste… Cette fresque sans fin active l’histoire traumatique de son pays. Diplômé de l’Institute of Fine Arts de Bagdad, Eyal a exposé au Beirut Art Center au Liban, au MoMA de New York, au centre Saw d’Ottawa, à la dernière biennale de Sharjah aux Émirats arabes unis, au Carnegie International à Pittsburg et à la Documenta 15 de Cassel.
JULIE PICARD
Née à Boischatel, Québec, Canada. Vit à Québec, Québec, Canada
Dans une approche ouvertement écologique, où le fait main occupe une place importante, Julie Picard pratique la récupération et l’assemblage de matériaux. Elle s’intéresse particulièrement au papier, aux possibilités poétiques et critiques qu’autorisent différentes manipulations : pliage, découpage, collage. Elle a exposé ses œuvres au Canada, en France, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Pologne et au Liban. Son travail a été acquis par différentes collections privées, muséales et institutionnelles.